Pour aller plus loin sur le "Travail qui Relie"

Qui est Joanna Macy ?

Les ateliers du Travail qui Relie qui sont offerts à la Ferme Légère, sont issus du travail de Joanna Macy, militante écologiste américaine née en 1929, autrice, spécialiste du bouddhisme, de l'écologie profonde 1), de l'écopsychologie 2) et de l‘écospiritualité 3). Joanna Macy est une autrice de référence dans ces deux courants de l’écopsychologie et de l’écospiritualité (sans se définir elle même ainsi).

Elle dit elle-même qu’elle vit sa vie en « Cercles expensifs tracés au dessus des choses ».

Elle a été élevée dans des racines judéo chrétiennes, auprès de son grand-père pasteur presbytérien, Elle a étudié à New York les sciences bibliques, servi d’interprète à Albert Schweitzer, grand défenseur du « respect de la vie ». Lors de ses études universitaires, elle a réalisé un doctorat en théorie générale des systèmes qui lui a donné une fine compréhension holistique et organique des problèmes de la planète.

A l’étroit dans sa spiritualité, elle a aussi eu l’occasion de rencontrer des Maîtres tibétains dont Choegyal Rinpoche lorsqu’elle est parti travailler avec des réfugiés tibétains en Inde, puis au Sri Lanka. Le bouddhisme lui a ouvert l’expérience de la compassion comme une réponse organique à l’interdépendance de toutes choses qui constitue la loi de la toile de la vie.

Elle fera d’ailleurs sa thèse de doctorat sur les convergences entre la philosophie bouddhiste et la théorie des systèmes.

Elle a ainsi compris l’importance clé de la spiritualité. Les ateliers de Travail qui Relie sont comme une formation de Bodhisattva. Le Bodhisattva est l’incarnation de la compassion qui agit simplement mais résolument au nom de tous les êtres, et qui se laissent vivifier – libérer en fait – par son interdépendance avec eux. Elle rencontre également le courant de l’Écologie profonde dont le philosophe norvégien Arne Naess (1912-2009), en est le fondateur. Au-delà de l’écologie extérieure (normes, lois, programmes, technologies vertes et écogestes), il s’agit d’une révision profonde de nos représentations de la nature et de la place de l’être humain en son sein. Il s’agit d’une nouvelle approche de l’écologie, centrée sur la quête de relations harmonisées avec la Terre et tous les êtres qui l’habitent.

Joanna et John Seed, défenseur Australien de la forêt tropicale, vont créer le conseil de tous les êtres. Ce rituel qui consiste à entendre les messages des êtres de la nature et à endosser leurs identités pour restituer leurs messages le temps d’un conseil, est maintenant une des propositions clé du Travail qui Relie.

Forte de ces cadres de référence, la vie de Joanna s’incarne dans un engagement permanent, citoyen et militant, pour la paix et l’écologie ainsi que contre le nucléaire. Elle situe d’ailleurs la rupture vers une société qui détruit la vie, lors de la découverte de la fission des particules d’uranium, symbole par excellence de la nature brisée et de la séparation de l’être humain avec la Terre.

L’ensemble de ces différentes influences décrites ci-dessus, a formé pour elle « sa toile de la vie et les interdépendances dont cette dernière est tissée ». Au milieu des années 1980, elle développe le Ttavail qui Relie pour contribuer au changement de cap et sortir du scénario « business as usual ». Ce changement de cap doit venir de l’intérieur du cœur et faire jaillir l’étincelle de l’espérance en mouvement.

Ce changement de cap qu’elle appelle de ses vœux doit se dérouler dans trois directions complémentaires, que l’on peut déjà voir à l’œuvre aujourd’hui :

  • Des actions de résistance sont entreprises pour la défense de la vie sur Terre. Il s’agit de tout le travail politique, législatif et judiciaire nécessaire au ralentissement de la destruction, tout comme les actions directes : blocus, boycotts, désobéissance civile et autres formes de refus.
  • En parallèle, d’autres actions visent, à partir de l’analyse des causes structurelles, à créer des institutions alternatives. C’est ce qu’ont particulièrement mis en évidence en 2015 et 2016 les films « Demain » de Cyril Dion et Mélanie Laurent et « Qu’est-ce qu’on attend » de Marie-Monique Robin.
  • Enfin, ces 2 modes d’actions doivent pour s’ancrer et survivre, s’accompagner d’un changement de perception de la réalité sur les plans cognitifs et spirituels.

Ce dernier changement est rendu possible aujourd’hui grâce à trois fleuves qui viennent le nourrir et qui convergent aujourd’hui. Ils permettent à ce changement de cap de s’appuyer sur des valeurs fortement enracinées et donc un changement profond de notre perception de la réalité.

  • Notre anxiété pour notre planète
  • Les découvertes scientifiques récentes
  • Les enseignements ancestraux

Notre anxiété et notre peine bouleversante pour le monde

L’interdépendance, notion commune au bouddhisme et à la théorie des systèmes, nous aide a reconnaître combien exprimer notre détresse pour la situation du monde est sain et nécessaire à notre survie. C’est une réponse normale aux traumatismes en cours.

La compassion centrale dans le bouddhisme, est une force, permettant d’accueillir la souffrance des autres, ou la sienne tout en gardant le recul nécessaire pour ne pas se laisser terrasser par cette souffrance. Mais notre peine constitue aussi une « boucle de rétroaction négative » (terme de la théorie des systèmes) qui nous permet de percevoir une erreur de cap et nous donne la capacité de corriger la trajectoire. Les systèmes vivants maintiennent ainsi leur équilibre et assurent donc leur survie.

L’étape 2 développée dans la spirale du Travail qui Relie, permet de débloquer cette boucle de rétroaction. Elle permet de suivre, plutôt que de contrer, notre flux de ressenti profond pour le monde et de là se remettre dans le flux de la vie.Il s’agit là de l’apport fondamental et novateur de Joanna Macy et de ce processus du Travail qui Relie qui lui donne une puissance et un impact assez unique.

Les découvertes scientifiques récentes

Les apports de la science contemporaine représentent une révolution cognitive. Il s’agit de découvertes fondamentales de la pensée scientifique, de la naissance de nouvelles visions de la réalité portées par la théorie quantique, l’astrophysique et la théorie générale des systèmes.

La théorie des systèmes vivants, dévoile la nature auto-organisatrice de la réalité et la présence de l’esprit dans la nature. Cette importante révolution cognitive, montre que « nous tissons un monde en une toile vivante qui forme notre demeure qu’il ne tient qu’à nous de perpétuer ». Cette théorie est bien illustrée par la théorie de Gaïa qui présente notre planète comme un système vivant et notre corps plus vaste.

Lors de l’étape 3 de la spirale, qui nous invite à porter un nouveau regard, ces découvertes scientifiques assoient une crédibilité aux exercices proposés qui permettent aux participants des ateliers du Travail qui Relie de trouver de nouveaux alliés. Il pourra s’agir d’ouvrir nos sens aux messages des êtres de la nature mais aussi, dans une conception plus holistique des mondes et de temps circulaire, à nos histoires passées, présentes et futures.

Se resituer dans cette interdépendance de la vie et penser qu’il est possible de s’appuyer sur nos ancêtres, sur les êtres non vivants qui nous entourent ou converser avec nos générations futures devient un exercice qui ouvre les sens. Il ouvre aussi les possibles et abolit les notions de toute puissance ou d’impuissance que tout être humain, coupé de sa vraie nature, peut ressentir face à la situation.

Les enseignements ancestraux

L’accès aujourd’hui à l’ensemble des connaissances et fondements des différentes spiritualités nées au travers des âges et des territoires est une richesse importante aujourd’hui pour nourrir ce changement de conscience.

Les spiritualités centrées sur la Terre brisent les dichotomies nées de la pensée religieuse hiérarchique et invoquent le caractère sacré de toute vie La diffusion des connaissance des peuples premiers encore vivants sur Terre et la résurgence des traditions chamaniques nous reconnectent à une reconnaissance avec notre identité sur la Terre, avec les autres espèces et resitue notre juste place d’humain comme faisant partie de la nature.

Certains moments, lors des ateliers de Travail qui Relie, sont ritualisés et puisent directement leur inspiration de pratiques des peuples anciens. Il permettent de nous reconnecter au sacré, dans la joie et la légèreté. Il ne s’agit pas ici de transmission précise, issue de tel ou tel enseignement. Il s’agit plutôt d’expérimenter certaines étapes ou moments particuliers avec un caractère plus solennel, touchant à nos sens, avec une approche plus universelle, instinctive d’une reconnexion à notre nature profonde. En provoquant ces expériences de reliance, nous renforçons notre sentiment d’appartenance à notre monde. Cette manière d’être rehausse notre conscience de qui nous sommes. Nous nous réveillons à ce que nous savions jadis : nous sommes des êtres vivants sur une Terre vivante, source de tout ce que nous sommes et que nous pouvons accomplir. En dépit de notre conditionnement issu de deux siècles de société industrielle, nous voulons retrouver l’aspect sacré du monde.

Conclusion

Nous vivons donc un moment unique, à la fois grave par les défis qui nous sont proposés, mais aussi exaltant grâce aux ressources dont nous disposons. En puisant dans notre peine la force de s’élever, en nourrissant nos intelligences des derniers regards scientifiques et en ouvrant nos sens et notre cœur à tous les apprentissages accumulés depuis les temps anciens, tout est possible aujourd’hui pour mettre en œuvre ce changement de cap, au service de la guérison du monde !

Bibliographie

Cet article a été écrit principalement à partir des deux publications suivantes :

  • MACY, J. et YOUG BROWN, M. Ecopsychologie pratique et rituels pour la Terre Seconde édition - Gap : Edition Le souffle d’or, 2018
  • MACY, J. et JOHNSTONE, C. L’espérance en mouvement - Genève : Labor et Fides, 2018

Lorsque les sources ne sont pas spécifiquement citées, elles proviennent de ces 2 ouvrages.

1)
L’écologie profonde ou radicale, est une philosophie écologiste contemporaine qui se caractérise par la défense de la valeur intrinsèque des êtres vivants et de la nature, c’est-à-dire une valeur indépendante de leur utilité pour les êtres humains.
Elle attribue plus de valeur aux espèces et aux différents écosystèmes que ne le font les mouvements écologiques classiques, ce qui entraîne le développement d’une éthique environnementale. Tandis que l’écologie classique, bien que développant de nouvelles alternatives, pose toujours la satisfaction des besoins humains comme finalité (anthropocentrisme) et attribue au reste du vivant le statut de « ressource », l’écologie profonde réinscrit les finalités humaines dans une perspective plus large, celle du vivant (biocentrisme) afin de prendre en compte les besoins de l’ensemble de la biosphère, notamment des espèces avec lesquelles la lignée humaine coévolue depuis des milliers d’années.

Wikipedia
2)
Ecopsychologie : interrelations profondes entre la psyché humaine et la Terre, perçue comme un superorganisme vivant doué d’une âme.
3)
Ecospiritualité : ouvre à une dimension de mystère et d’invisible, de transcendance et de sacré, non réductible aux noms et aux formes multiples – doctrinales, symboliques et rituelles – que lui donnent les traditions religieuses instituées.